Que se passe-t-il en termes de droits des titulaires de police si leur décès n’entraîne pas la résiliation du contrat ?

 

Dans un contrat d’assurance-vie, le preneur d’assurance et la personne assurée peuvent être des personnes différentes. Si cette configuration peut paraître étrange et même inconnue dans certaines juridictions, il n’en demeure pas moins que cette structure est en théorie possible et peut s’avérer efficace dans une optique de transmission de patrimoine.

Le prédécès de l’assuré ne donne lieu à aucune discussion. Par contre, le débat est tout autre si le preneur vient à décéder en premier. Qu’advient-il des droits dont disposait le preneur et qui va désormais les exercer ? Qui va désormais pouvoir gérer le contrat, procéder à des rachats ou même modifier la clause bénéficiaire ?

Dans le cadre de réflexions autour de la structuration transfrontalière, nous avons opéré une analyse de nos marchés principaux.

OneLife-death-policyholder-assurance

 

 

 

La Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg ont adopté une position identique mais très complexe. Si les droits du preneur ne s’éteignent pas avec son décès, les ayants droit du preneur n’héritent pas du droit de révoquer la clause bénéficiaire, fondement du contrat attaché au preneur. En conséquence, l’exercice d’autres droits ne peut porter atteinte à la stipulation pour autrui voulue par le preneur décédé. Il en résulte que l’action des ayants droit se limite à gérer le contrat sans pouvoir en disposer d’aucune manière en attendant le dénouement du contrat. Par contre, le preneur a la possibilité de prévoir un transfert partiel ou total de ses droits à son décès vers une personne de son choix, qui pourra dès lors exercer sans restriction tous les droits cédés. Notez qu’au Luxembourg, cette cession est soumise à l’autorisation de l’assuré.

 

En France, le traitement juridique est incertain en l’absence de dispositions légales explicites. Deux doctrines s’opposent. L’une considère que les droits du contrat sont personnels et intransmissibles. En conséquence, au décès du souscripteur avant la personne assurée, les droits du souscripteur s’éteignent avec lui et le contrat est bloqué jusqu’au décès de l’assuré. D’autres considèrent la créance du souscripteur comme une créance ordinaire transmissible aux héritiers au titre de la succession comme tout autre actif successoral. En l’absence d’une position claire sur le sujet, la souscription se fait principalement voire exclusivement sur la tête du ou des souscripteurs.

 

Au Portugal, le contrat se retrouve dans une situation intermédiaire entre ce qui est appliqué en France d’une part et en Belgique et au Grand-Duché de Luxembourg d’autre part. Les droits du preneur décédé ne sont pas transmis à ses héritiers et le contrat est gelé, sauf si une cession post-mortem a été prévue par le preneur d’assurance.

La Finlande, le Danemark et la Suède ont opté dans cette configuration pour un transfert des droits vers les bénéficiaires qui deviennent même les nouveaux preneurs d’assurance.

Au Royaume-Uni, ce sont les héritiers du preneur d’assurance qui héritent des droits en cas de prédécès de ce dernier et qui deviennent les nouveaux preneurs. Il n’est par contre pas possible de désigner un cessionnaire en cas de décès.

 

Cette analyse démontre que les conséquences civiles d’une même structure peuvent être totalement différentes d’une juridiction à l’autre. Sans parler évidemment des impacts fiscaux qui peuvent toucher les héritiers des preneurs, les cessionnaires et les bénéficiaires impliqués parfois malgré eux dans une telle situation.

 

Notre objectif est une nouvelle fois d’attirer l’attention sur la maîtrise du fonctionnement du contrat d’assurance avant toute recherche de solution. Si un contrat peut être adapté pour être mis en conformité dans une autre juridiction, modifier le contrat qui a été mal structuré à l’origine, à cause d’une simple transposition d’une pratique existante dans un autre pays, peut s’avérer mission impossible. Le preneur n’a alors d’autres choix que de racheter le contrat et de supporter les conséquences fiscales de ce rachat.